Les Granges d’Astau (km 70)
Le mardi 5 août 2008, le réveil sonne à 5h00. L'obscurité nocturne enveloppe encore le campement. Rapidement, nous ranimons les braises mourantes de notre feu d'hier soir, et sous le halo de nos lampes frontales, nous déjeunons, entourés de la douce fumée et des étincelles dansantes de notre feu timide. À peine une heure plus tard, tout est prêt pour notre nouvelle journée d'aventure. L'aube commence à éclairer le ciel, dévoilant un firmament encore étoilé et une douceur enveloppante dans l'air.

 
Des Granges d’Astau (km 70) au lac d’Oô (km 72,5)
Nous suivons une large allée parsemée de pierres, fréquentée par bon nombre de marcheurs ralliant le parking des granges au lac d'Oô. Pour l'heure, la tranquillité prédomine. En effet, rares sont les randonneurs qui choisissent de gravir cette voie dès 6h00 du matin. Arrivés devant le lac d’Oô, nous sommes face à une vaste étendue d'eau, blottie au sein des montagnes. Les parois abruptes et imposantes semblent fusionner avec les profondeurs du lac. L'espace aux abords est limité, rendant presque impossible le fait d'y dresser une tente. Dans la sérénité du matin, le lieu, bien que majestueux, dégage une certaine austérité.

 
Du lac d’Oô (km 72,5) à la hourquette des Hounts (km 76)
Suivant le flanc gauche du lac, un sentier escarpé aux virages serrés nous mène progressivement vers les hauteurs. Bien que notre montée soit constante, l'immensité du lac donne l'impression que nous ne nous en éloignons que lentement. Nous adoptons une allure modérée pour préserver nos énergies. En chemin, nous croisons d'autres marcheurs, partis après nous depuis les refuges du lac d’Oô et d’Espingo. En atteignant la hourquette des Hounts, le doux soleil matinal illumine déjà la vallée opposée - la coume des Hounts Secs. Depuis ce col, la vue est splendide : en contrebas, les Granges d’Astau, le lac d’Oô, le lac d’Espingo se dessinent clairement. Profitant de ce panorama, nous décidons de poser nos lourds sacs à la hourquette et de grimper vers le cap de Bassiéret. Après une courte ascension, nous voilà au sommet de ce piton rocheux. Nous capturenons ce moment privilégié avec une photo au sommet, marquant ainsi la moitié de notre voyage, nichés entre l'océan Atlantique et la mer Méditerranée.

 De la hourquette des Hounts (km 76) à la Coume de Bourg (km 79) 
Depuis la hourquette des Hounts, nous entrons dans un vaste cirque dominé par le minéral. Notre sentier, jalonné de pierres et d’herbes courtes, épouse les courbes de la montagne. Bientôt, une nouvelle hourquette se profile et nous conduit vers un autre cirque, étonnamment similaire au précédent. À mesure que nous progressons, le nombre de randonneurs croisés augmente. Notamment, nombreux sont ceux qui semblent légèrement équipés. Devant une telle affluence, nous suspectons la proximité d'une zone civilisée. Un coup d'œil à notre carte nous confirme qu'ils proviennent probablement de la station de ski voisine de Superbagnères. Enfin, arrivés à la Coume de Bourg, nous découvrons avec étonnement un véritable cortège : c'est le « pèlerinage du pic de Céciret » (2403m). Des randonneurs, alignés tels des fourmis, se dirigent inlassablement vers le sommet.

 
De la Coume de Bourg (km 79) au pic de Céciret (détour de 2km AR) HORS GR10
Le pic de Céciret, en dehors du tracé GR10, n'était pas prévu dans notre itinéraire. Cependant, poussés par la curiosité et l'espoir d'une vue panoramique, nous décidons de nous y aventurer. Nous rejoignons alors la procession de randonneurs. Sur notre chemin, nous croisons plusieurs personnes redescendant du sommet. Si quelques-unes affichent un sourire amical, d'autres semblent plus pressées et moins enclines à la courtoisie. En atteignant le sommet, notre enthousiasme est tempéré par la foule présente et une vue moins spectaculaire que prévu. Un brin déçus, nous entamons notre descente. Toutefois, le majestueux pic d'Aneto et son vaste glacier à l'horizon nous rappellent que nous avons franchi la moitié de notre voyage.

 
De la Coume de Bourg (km 79) à Superbagnères (km 83,5)
Après notre escapade au pic de Céciret, nous reprenons des forces à la Coume de Bourg, accordant une pause bien méritée à nos corps fatigués. De notre point d'observation, nous scrutons le va-et-vient des randonneurs, aux équipements variés. Le soleil est à son zénith, baignant les lieux d'une chaleur presque suffocante. À 2272 mètres d'altitude, une brise subtile nous offre un répit salutaire face à cette chaleur. La perspective de descendre vers Bagnères de Luchon, 1600 mètres plus bas, où les températures doivent être accablantes, ne nous séduit guère. Pour l'instant, notre trajet se dirige vers Superbagnères. Malgré l'avancée de la journée, de nombreux randonneurs empruntent toujours le chemin en sens inverse. Nous aspirons à nous éloigner rapidement de cette affluence.

 
De Superbagnères (km 83,5) à Bagnères de Luchon (km 92)
La chaleur devient de plus en plus oppressante, rendant chaque pas un peu plus lourd. Nous n'attendons pas longtemps avant de quitter Superbagnères. Curieusement, après avoir dépassé le parking de la station, nous retrouvons la solitude du chemin : les gens préfèrent visiblement le confort de leur véhicule pour rejoindre Luchon. Nous choisissons de marquer une halte à une ancienne station du défunt train à crémaillère, témoin d'une époque où il transportait les touristes entre Luchon et Superbagnères. Après une heure de détente et quelques éclats de rire revigorants, nous sommes regonflés à bloc. Cependant, la descente s'annonce comme un véritable défi, presque une épreuve de persévérance et de résilience.

 Arrivée à Bagnières de Luchon (km 92)

Dès nos premiers pas à Bagnères de Luchon, l'attrait d'une terrasse de café nous devient irrésistible. L'épuisement se fait ressentir. Entre l'envoi de notre courrier, quelques appels à nos proches, et le plaisir simple d'une bière fraîche, nous reprenons quelque peu nos esprits. Après un bref passage à la supérette, la question du bivouac s'impose. Notre allure se fait plus lente à travers les rues de la ville. L'idée du camping ne nous séduit guère, et notre regard scrute chaque coin à la recherche du lieu idéal pour la nuit. C'est au détour d'un parc que nous trouvons un endroit discret, certes moins sauvage qu'à notre habitude, mais proche d'une source d'eau et à l'abri des curieux. Mais alors que le ciel s'assombrit menaçant, le grondement de l'orage se rapproche. La lourdeur de l'atmosphère est palpable, et même si l'on espère une délivrance par l'éclat de l'orage, il décide finalement de nous épargner. Alors que la nuit s'installe, une pluie douce commence à tomber, berçant nos esprits épuisés plutôt que de nous rafraîchir. À 21h30, sous cette mélodie naturelle, nous nous laissons emporter dans les bras de Morphée.

La journée fut longue et exigeante, marquée par une chaleur accablante et les défis physiques du chemin. Mais malgré ces défis, il y a ce sentiment de satisfaction qui prévaut, cette gratification d'avoir réussi, d'avoir dépassé ses limites. L'arrivée à Bagnères de Luchon a apporté une douce pause, un moment de réconfort dans un cadre urbain. Et même si le lieu de bivouac de ce soir est moins sauvage que d'habitude, il offre un abri, une sécurité. La pluie qui tombe est comme une caresse, un rappel que la nature est imprévisible, mais aussi bienveillante. Chaque goutte est une berceuse, chaque souffle d'air, une promesse d'une nouvelle aventure demain.